Après une année tumultueuse, l’investissement responsable en ressort rationalisé et davantage ancré dans la nouvelle réalité.
L’année 2025 a été tumultueuse pour l’investissement responsable. Nous avons observé un important changement d’humeur des sociétés et des investisseurs à l’égard des efforts en matière d’enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), certains revenant sur leurs engagements dans tous les volets, allant de la diversité, de l’équité et de l’inclusion (DEI) aux changements climatiques. Cette situation s’explique principalement, mais pas seulement, par l’évolution de la dynamique du pouvoir aux États-Unis. Des remous parvenaient de nombreux territoires, dont l’Union européenne et le Canada. Il serait également faux de croire que ce changement d’humeur a été déclenché par les 60 premiers jours de la nouvelle administration américaine, car il prenait de l’ampleur au cours des dernières années.
Que signifie ce changement? Les rumeurs concernant la fin des facteurs ESG sont grandement exagérées. Rien n’a changé fondamentalement qui rendrait inutiles les arguments en faveur d’une prise en compte des risques ESG importants. Des risques systémiques, comme les changements climatiques ou les inégalités, ou des risques propres aux entreprises, comme le capital humain et l’accès à l’eau, subsistent. En fait, leur importance et leur signification ont augmenté, et nombre d’investisseurs ont réagi à cette résistance en agrandissant leur intégration fondamentale des facteurs ESG. Ce qui a peut-être disparu, nous l’espérons, ce sont des gestes symboliques envers la durabilité ou l’investissement responsable qui n’ont jamais eu beaucoup de substance à la base. De leurs cendres naîtra un engagement plus solide et significatif en matière de développement durable, qui est fondé sur l’ambition et le réalisme, et véritablement lié aux modèles d’affaires. Il s’agira pour les gestionnaires de placements d’un retour à la case départ : la prémisse sous-jacente de l’investissement responsable et de la création de valeur à long terme pour notre clientèle.
Thèmes d’investissement responsable à surveiller en 2026
Mettre l’accent sur les résultats positifs
La conversation passera de ce que nous ne voulons pas ou de ce que nous devons éviter à ce que nous espérons créer, à savoir un avenir plus propre, plus abordable et plus équitable. Même si la discussion sur les risques aura toujours un rôle à jouer, en particulier pour les investisseurs, nous constatons que de mettre l’accent sur le négatif est une approche limitée. La voie à suivre devra inévitablement impliquer un récit clair de la façon dont les choses s’amélioreront si nous poursuivons nos objectifs de développement durable.
Technologies propres
Le rythme incroyable de l’innovation dans le domaine des technologies propres, qu’il s’agisse de panneaux solaires, d’éoliennes, de stockage des batteries ou de véhicules électriques, se poursuivra en 2026. La combinaison de l’innovation rapide et de données économiques et géopolitiques de plus en plus attrayantes (l’enjeu de la sécurité énergétique, par exemple) signifie que la transition se produit sous nos yeux sur la scène mondiale, et l’écart croissant entre les États-Unis et le reste du monde posera un défi pour les investisseurs. Combinée à la tendance croissante vers l’électrification généralisée, la demande accrue d’électricité se traduit par une croissance du marché des solutions.
Les enjeux liés à l’IA passent à l’avant-plan
L’intelligence artificielle (IA) transforme les sociétés technologiques et devient un facteur clé dans la création de placements ESG sûrs et de favoris des facteurs ESG (faible émission de carbone, socialement responsable, facilitant notre quotidien, etc.) ainsi que dans le point de convergence de la plupart des préoccupations fondamentales en matière d’investissement responsable. L’évolution rapide de l’IA amplifie les préoccupations déjà énormes concernant la protection de la vie privée, les droits numériques, la désinformation et la sécurité, alors que la croissance des centres de données pour propulser l’essor de l’IA se heurte déjà à des limites en matière d’énergie et d’eau qui font des sociétés technologiques une préoccupation grandissante en matière de climat et de sécurité de l’eau. Les investisseurs auront la lourde tâche de composer avec cette convergence du risque dans certains des titres qu'ils détiennent le plus.
Bâtir les infrastructures de façon responsable
Pour réaliser l’avenir que nous voulons, nous devons bâtir beaucoup de choses. Le gouvernement et le secteur privé accordent une grande importance à la nécessité de construire des infrastructures clés, qu’il s’agisse de lignes de transport qui contribueront à l’expansion d’un réseau électrique à faibles émissions de carbone, ou de l’extraction et du traitement des matières premières pour les batteries et les téléphones intelligents. La façon dont nous construirons ces infrastructures aura son importance. L’objectif d’éliminer les barrières inutiles sera largement partagé, mais il mettra encore plus l’accent sur la manière de procéder. Au Canada, ce sera un véritable test de l’engagement de la nation en faveur de la réconciliation et du soutien aux droits des Autochtones, ainsi que de son engagement souvent cité en faveur des principes de développement durable.
Perspectives des politiques pour le Canada
L’une des évolutions politiques les plus importantes sera la façon dont le gouvernement fédéral mettra en œuvre son programme de compétitivité climatique et créera un contexte politique propice à la mobilisation à grande échelle du capital des investisseurs axés sur le climat. Le gouvernement fédéral a indiqué qu’il se concentrait sur les occasions offertes par la transition, ce qui devrait être de bon augure pour les investisseurs qui cherchent à soutenir les solutions climatiques et l’offre de minéraux critiques, comme le cuivre, le nickel, le lithium et les terres rares. De même, l’accent mis sur les grands projets d’infrastructure dans le cadre de l’édification de la nation devrait créer de nombreuses occasions pour les investisseurs. Toutefois, les gouvernements à tous les niveaux devront montrer qu’ils ont tiré des leçons des erreurs du passé et s’assurer que ces projets répondent aux principales préoccupations des Autochtones et des communautés s’ils veulent réussir.
Les règlements fondamentaux régissant la tarification du carbone et les émissions de méthane dans le secteur industriel continueront de faire partie du cadre réglementaire, mais feront face à des pressions continues. Le gouvernement fédéral a établi un programme clair visant à réduire les barrières réglementaires et à rationaliser le développement, autant d’initiatives positives qui créeront des occasions pour les investisseurs. Ces derniers doivent faire savoir aux gouvernements que la rationalisation n’est qu’une partie de l’équation. Si nous voulons leur donner confiance dans un essor du développement au Canada, les sociétés et les gouvernements devront s’assurer que les droits des Autochtones sont au cœur de leurs plans.
Bien que les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) aient suspendu l’élaboration de règles sur la communication de l'information relative aux changements climatiques, l’appétit des investisseurs pour une meilleure communication d'informations ne disparaîtra pas. Il n’est pas certain que l’ACVM avance à cet égard alors que les États-Unis vont dans la direction opposée, mais le gouvernement fédéral a indiqué qu’il souhaitait adopter des normes de communication d'informations plus strictes. Il semble également que le gouvernement fédéral ait écouté les préoccupations des parties prenantes au sujet de l’incidence négative du projet de loi C-59 sur la publication d’information sur le développement durable des sociétés au Canada, en particulier dans le secteur de l’énergie. Nous espérons que les changements apportés au projet de loi en 2026 rétabliront la publication de l’information dont les investisseurs ont besoin.
Une vision optimiste de l’avenir
À une époque marquée par une complexité accrue et des crises multiples, il est essentiel que les sociétés de placement usent de leur influence et de leur pouvoir pour aborder ces risques et ces occasions de façon réfléchie et significative. Il est également légitime d’être sceptique et de leur poser les questions difficiles des investisseurs afin de s’assurer qu’elles font tout le travail nécessaire pour obtenir des résultats positifs. Nous devons aussi faire preuve d’humilité lorsque nous parlons de ce que nous pouvons accomplir. Ce devrait également être une période d’optimisme. Un optimisme prudent, certes, mais un optimisme tout de même. Les graines d’un véritable changement ont été semées, mais celui-ci ne se produira pas tout seul. Les gestionnaires de placements ont le pouvoir d’exercer une influence positive sur les résultats en agissant avec détermination et en s’engageant à créer de la valeur à long terme pour leur clientèle.